A noter encore qu'il ne s'agit pas d'un ultimatum "ferme". Visiblement c'est plus un petit coup de pression qu'autre chose. Le détail a son importance vu que c'est certainement pas une gentille incitation qui suffirait à faire bouger les choses à ce stade.
Si tout s’était passé comme prévu, Genève-Servette jouerait depuis quatre ans dans une enceinte moderne et fonctionnelle, sur le site du Trèfle-Blanc retenu en 2012 déjà. Avec des si… Cela fait maintenant près de dix ans que le club de hockey phare de Genève avale des couleuvres. Et il semble bien qu’il doive encore s’armer de patience. C’est bien ce qui inquiète certains élus, dont Sami Kanaan. Le conseiller administratif de la Ville de Genève, en charge des Vernets, est un acteur du dossier piloté par l’État, notamment le département de Thierry Apothéloz. Et il trouve le temps long. Tout comme Laurent Strawson (lire ci-dessous), le président du GSHC.
Ils ne sont pas les seuls. À la Swiss Ice Hockey, la ligue suisse, on en a gentiment marre d’attendre. Les Vernets vivent encore de dérogation en dérogation, mais cela commence à faire un joli tas de promesses et toujours rien de concret au niveau de la fameuse nouvelle patinoire.
Denis Vaucher, le président de la ligue, a dernièrement rencontré Thierry Apothéloz, pur lui signifier les inquiétudes et aussi les exigences de l’institution faîtière du championnat. On doute que la ligue veuille exclure Genève-Servette de la National Ligue, mais des sanctions sont possibles. Il a donc été convenu, ou précisé, que Genève avait maintenant jusqu’au 15 décembre pour présenter un projet de nouvelle patinoire. Ce n’est pas vraiment un ultimatum, mais cela montre bien que tout le monde en a assez. Attention: il faudra présenter un vrai projet. Un réel calendrier, avec un échéancier et des perspectives concrètes.
Le puck est maintenant dans le camp de Thierry Apothéloz. A priori, on pourrait s’orienter vers un projet qui ne serait pas 100% privé. Il s’agirait plutôt d’un partenariat mi-privé mi-public. Avec un appel d’offres à la clé.
Appel d’offres programmé
Cette décision n’est pas anodine. Pour rappel, il y a eu deux avis de droit qui se sont succédés dans ce dossier. Le premier stipulait que dans le cadre d’une cession des droits de superficie appartenant à l’État il fallait passer par un appel d’offres dans tous les cas. Le second infirmait cette première position, en affirmant que dans le cas d’un projet 100% privé, l’État n’était pas obligé de lancer un appel d’offres. C’est ce qu’avait souligné Anne-Emery Torracinta, alors présidente du comité de pilotage de la nouvelle patinoire, en décembre 2017.
Le sujet est important. Si un entrepreneur s’assied à table avec les autorités pour porter seul, avec ses partenaires, le projet avec un financement 100% privé, il n’a sans doute pas envie de passer par un appel d’offres. C’est le cas d’Olivier Plan, qui s’est déjà manifesté en mars, avec un projet de près de 400 millions. Or il semble donc qu’un appel d’offres aura lieu, pour un projet plus modeste et pas seulement privé. Cela pourrait aussi retarder encore les premiers coups de pioche. En attendant, Genève-Servette patiente aux Vernets, comme les autres acteurs de la vieille patinoire d’ailleurs.
Un horizon lointain
«Cela avance au rythme ou cela peut avancer au niveau cantonal et je ne cache pas mon inquiétude, explique Sami Kanaan, conseiller administratif de la Ville. La situation pourrait devenir critique. Je ne sais pas si les Vernets peuvent encore tenir comme cela pendant plusieurs années. Parce que c’est bien de cela que l’on parle: un horizon pour la nouvelle patinoire fixé à sept, huit, voire dix ans selon certains. Les travaux effectués pour le nouveau rink ont peut-être calmé momentanément la ligue, mais il en faudra sans doute d’autres bientôt. Et à ce moment, la Ville devra se tourner vers le Canton pour le financement.» Selon le conseiller administratif de la Ville, une somme «dépassant largement les 20 millions de francs» a été déjà investie aux Vernets ces dernières années. Pour satisfaire aux normes de la ligue notamment, pour permettre au GSHC de se développer aussi, pour un entretien aussi de la vieille enceinte qui est surutilisée.
«Les Vernets tournent de 5 h 30 du matin à 23 h 30, tous les jours, y compris le week-end, précise Sami Kanaan. Pour les populaires, pour le patinage artistique, pour le GSHC et tout cela.»
Genève était le premier de la classe quand, il y a près de dix ans, il a lancé le processus pour se doter d’une nouvelle patinoire, nécessaire pour le canton et pour son club phare de hockey. Il est aujourd’hui le cancre du pays en la matière.
Ge/Servette patiente
Cette nouvelle patinoire, il faut pour l’instant l’appeler Godot: tout le monde l’attend, mais elle ne vient pas. Au-delà de la boutade, Laurent Strawson, président de Genève-Servette, vit la chose difficilement.
«Cela ne date pas d’aujourd’hui, dit-il. Cela fait bientôt dix ans que l’on prend les choses par le mauvais bout. Je ne pense pas que le club puisse encore attendre dix ans de plus, je ne pense pas non plus que la ligue de hockey l’acceptera. Alors oui, comme certains, je trouve que cela n’avance pas assez vite. Cela dit, il y a cette date du 15 décembre, les choses bougent enfin dans le bon sens. Je ne veux pas me substituer aux autorités, mais dans les prochaines semaines, on espère enfin avoir un projet concret, centré autour de la patinoire.»
Ce serait un projet mi-privé mi-public. Ou alors seulement public, puisque l’idée du 100% privé ne semble plus tenir la corde.
Cela interpelle Simon Brandt, candidat PLR au Conseil administratif de la Ville, actuel conseiller municipal. «Pourquoi passer par un appel d’offres alors qu’il y avait un projet 100% privé déclaré, s’interroge-t-il? Et si on ne veut pas de ce projet-là pour se diriger vers un projet avec l’argent public, où le prendra-t-on? Je crois surtout que les magistrats changent, mais que ce projet de nouvelle patinoire est toujours retardé.» D.V.