Dans la TdG du jour :
Le Finlandais du Ge/Servette revit
Teemu Hartikainen: «Je ne savais plus ce que je faisais là»
L’attaquant des Aigles flambe à nouveau après une saison fantomatique. Il met des mots forts sur ce trou dont il est enfin sorti et qui l’a fait songer à arrêter le hockey sur glace.
Simon Meier
En bref:
- Teemu Hartikainen a marqué dix buts en dix matchs cette saison.
Il a retrouvé le plaisir de jouer après une saison difficile.
Son avenir après la saison actuelle reste incertain, discussions prévues en novembre.
Le derby contre Lausanne se jouera comme prévu; plusieurs joueurs restent blessés.
Teemu Hartikainen n’a pas réservé un accueil triomphal à notre boutade, juste un sourire poli. Non, même s’il pète le feu en ce début de saison, ça n’est pas lui qui a endommagé l’installation électrique des Vernets, lundi (lire ci-dessous). Le Finlandais plaide en revanche 100% coupable pour le traitement qu’il inflige aux défenses adverses. En dix journées de National League, il a marqué dix fois, dont un triplé samedi dernier en Ajoie, soit deux de plus que sur l’ensemble de l’exercice précédent. Comme si, en un été, la citrouille était redevenue carrosse.
C’est tout Ge/Servette qui a piqué du nez, dans la foulée du titre de 2023. Mais ça s’est particulièrement vu chez Teemu Hartikainen. Flamboyant l’année du sacre (36 buts dont 8 en play-off), sa première en Suisse, le Finlandais a traîné son spleen lors de l’exercice suivant. Face à tant d’inefficacité, le public des Vernets, sans prendre en grippe le héros, a pu s’interroger sur son tour de taille.
«Il se posait des questions»
«Son poids, ce n’est pas le problème, tranche Marc Gautschi. Vous avez vu comme il était, l’année du titre?» Le génial finlandais, auteur du doublé JO-Mondiaux en 2022, a-t-il inconsciemment pris une année sabbatique pour mieux rebondir? «Non, pas du tout, il n’a jamais arrêté de travailler dur, témoigne le directeur sportif des Aigles. Il se posait des questions, il cherchait la solution, il s’entraînait à fond et faisait tout pour se sortir du trou. On a beaucoup discuté, mais il n’était pas question de le secouer, parce que je voyais qu’il essayait.»
Manifestement, Teemu Hartikainen a trouvé le bon bouton. Comment la métamorphose s’est-elle opérée? «La raison principale, c’est que j’ai retrouvé du plaisir à jouer au hockey, après une année si difficile, explique l’intéressé, sur le ton du sage et avec la mine du poupon. Je deviens vieux et après toutes ces années, toutes ces victoires des dernières saisons, j’étais en panne de motivation. Je ne parvenais pas à trouver les bonnes sensations, la confiance. En un sens, j’avais perdu le plaisir.»
A-t-il eu peur de ne jamais le retrouver? «Oui, il y a eu des moments où j’ai pu penser que je disputais ma dernière saison et que j’allais arrêter, répond Teemu Hartikainen, qui aura 35 ans le 3 mai prochain. Je prends de l’âge et vous ne savez jamais où se trouve exactement la limite. Quand vous ne parvenez pas à retrouver la façon dont vous aviez l’habitude de jouer, vous finissez par vous demander où est le souci. J’ai fini par réaliser qu’après toutes ces années, ces longues saisons, j’étais exténué. Je ne savais plus trop de quoi j’avais envie, ni ce que je faisais là.»
Face à lui-même
Mais un champion reste un champion. Au printemps dernier, piqué par la déception, Teemu Hartikainen balaie vite l’idée d’une retraite. «Je savais qu’il y avait une longue pause devant moi et j’ai décidé de tout faire pour me mettre dans les meilleures conditions possibles, mentalement et physiquement, pour entamer la saison», explique-t-il. Comme un rendez-vous avec lui-même? «Exactement. Je voulais voir si j’avais encore le truc. Et j’ai été heureux de voir que je l’avais encore.»
Le sourire du Finlandais ressemble à celui d’un gosse qui a retrouvé ce qu’il a de plus précieux au monde. Il valide l’image. «C’est un sentiment génial d’arriver à la patinoire tous les matins avec une vraie envie d’aller sur la glace.» Dans l’élan, il ne rejette pas la comparaison du phénix. «Oui, je vis une sorte de renaissance. C’est très gratifiant. Vous savez ce que vous avez à faire, vous connaissez votre corps, votre esprit, et vous retrouvez votre meilleur niveau. C’est ce qu’il y a de bon, en ce moment. J’ai mis toutes mes forces pour y arriver et là, je profite du résultat.»
«Réconcilié avec le jeu»
Ge/Servette aussi. Peut-être un peu orphelin de son pote Linus Omark la saison passée, Teemu Hartikainen a trouvé un complice supplémentaire en son compatriote Markus Granlund – leur trio avec Sakari Manninen avait déjà fait ses preuves en équipe nationale. Lui revient sans cesse à la notion centrale: le plaisir. «Je joue au hockey depuis que j’ai 6 ans, j’ai eu les victoires que je voulais, le plan financier n’importe plus vraiment, donc il faut trouver d’autres motivations. Dès le moment où on est payé pour ça, la relation au sport change un peu. Il y a des moments où c’est le truc que tu aimes le plus au monde, et d’autres où tu te mets à le détester. C’est un équilibre très fragile, dont il est plus facile de parler dans les moments, comme maintenant, où je suis réconcilié avec le jeu.»
Mauvaise nouvelle pour les treize autres équipes du championnat. «Je pense aussi», se marre le meilleur buteur de National League, qui honore sa dernière année de contrat aux Vernets. Quid de la suite? Des premières discussions auront lieu en novembre, lors de la pause internationale. «S’il joue comme en ce moment, il n’y a pas beaucoup de clubs en Europe qui ne souhaiteraient pas l’avoir, rigole Marc Gautschi lorsqu’on l’interroge sur ses intentions. Je ne pense pas qu’il changera de club en Suisse. Après, on verra s’il souhaite rentrer en Finlande.»
Un titre pour finir?
«Je ne sais pas, je n’ai aucune notion de stress par rapport à ma situation en ce moment, dit Teemu Hartikainen, père d’un garçon de 7 ans et d’une fillette de 3. Mon but, la seule chose que j’ai en tête, c’est de jouer cette saison et de gagner à nouveau le titre de champion de Suisse. Mais je ne sais pas encore ce que je ferai l’année prochaine. Je serais vraiment très heureux si nous parvenions à gagner ce deuxième titre et, alors, j’aurai peut-être envie de m’arrêter là-dessus. Mais voyons comment les choses se passent, je ne veux me mettre aucune limite en tête.»
Difficile d'imaginer un interlocuteur plus serein que le Finlandais. «Quoi qu’il advienne, je serai heureux de ma carrière et de la vie que j’ai avec ma famille, expose-t-il, philosophe. Quand cela n’allait pas avec le hockey, l’an passé, j’ai pu me rappeler – je le savais déjà – qu’il y a d’autres choses qui me rendent heureux. Plus jeune, je me serais sans doute torturé avec ça. Là, je n’ai pas paniqué. C’est beau de jouer au hockey sans plus le prendre trop au sérieux.»
Pas sûr que ce dernier constat soit de nature à rassurer les défenses helvétiques, à commencer par celle du Lausanne HC, ce mercredi soir aux Vernets.
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petit ajout personnel : Teemu Hartikainen: «Je ne savais plus ce que je faisais là» Moi aussi...